Depuis deux semaines, la Guyane est en grève générale illimitée, suite à l’appel lancé par l’Union des travailleurs guyanais (UTG). Les blocages, les barrages routiers, les grèves, les manifestations se succèdent sur le territoire pour mettre la pression sur la classe politique au pouvoir. Le blocage du Centre spatial guyanais, paralysant les lancements de fusées prévus, aura marqué les esprits.
Il faut dire que les différents protestataires qui se sont regroupés au sein du collectif Pou La Gwiyann dékolé (« Pour que la Guyane décolle ») et, avec eux, tous les Guyanais et Guyanaises, ont de quoi avoir la rage. La situation de la Guyane vis-à-vis de l’État français n’est rien d’autre qu’un colonialisme déguisé, avec des chiffres qui donnent une idée de l’ampleur du désastre : un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale et des allocataires du RSA qui représentent 16 % de la population. Les entités de service public s’y trouvent laissées à l’abandon, en particulier le service postal à Maripasoula (« qui prive une population de 10 000 habitants d’une distribution six jours sur sept ») et le secteur hospitalier. Cette situation de précarité et de pauvreté, qui touche la population guyanaise dans l’indifférence de la classe politique métropolitaine – laquelle préfère gaver d’un flot de financements le Centre spatial guyanais (CSG) situé à Kourou – témoigne d’un colonialisme et d’un racisme d’Etat institutionnalisé dont l’existence n’est plus à prouver. Pour le gouvernement, la Guyane fait partie de ces espaces où ils peuvent allègrement piétiner les droits des habitants les plus élémentaires.
Comme en Guadeloupe en 2009, mêmes causes mêmes conséquences. Chômage, retard de développement et d’infrastructures, notamment en ce qui concerne les établissements scolaires et hospitaliers. Nous avons là les mêmes séquelles du colonialisme que subissent les Guadeloupéens, les Martiniquais, les Réunionnais, les Kanaks. Comme en Afrique, le colonialisme économique a succédé au colonialisme politique. On peut toujours envelopper la réalité des beaux habits neufs de l’appellation DOM-TOM, le résultat est identique : la politique économique est au service du capitalisme et sert en priorité les intérêts de la métropole. Sans nier la spécificité de ce mouvement de contestation, ce dernier a d’ailleurs aussi de quoi rappeler celui des Mahorais et Mahoraises au début de l’année 2016, qui, dans l’indifférence médiatique, avaient engagé un mouvement de grève générale et de blocage afin de revendiquer, entre autres, une application du Code du travail et des accords de branches, un alignement des pensions minimums sur celles de l’Hexagone et le retrait du projet de loi Travail.
Concernant le mouvement de contestation guyanais actuel, s’il apparaît impossible, pour nous libertaires, de soutenir les revendications portées par le collectif des 500 Frères contre la délinquance (qui regroupe des anciens policiers et vigiles désirant l’instauration de mesures sécuritaires et liberticides : création de prisons, augmentation des effectifs de police), il n’en reste pas moins que ce mouvement social a de quoi nous inspirer. D’une part parce que se mêlent en son sein des organisations syndicales et des dynamiques émanant de la société civile, mais aussi parce qu’il nous rappelle que, sans rien attendre des promesses des candidats, les luttes sociales et syndicales doivent s’inviter dans la campagne présidentielle.
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
Paris, le 6 avril 2017