In fine, la loi de moralisation de la vie publique fut votée. Comme bien des promesses électorales, le devoir de virginité du casier judiciaire n’a pas été retenu. Et, pour une fois, ce n’est pas une mauvaise chose. Nous voyons fleurir bon nombre de propos et d’iconographies contre cette fausse promesse sur les réseaux sociaux. Une partie des milieux militants de gauche et d’extrême gauche s’offusque, semble-t-il. Loin de nous l’idée de donner des leçons aux militants et sympathisants. Mais c’est, en revanche, une bonne occasion de discuter des bases de ce que doit être une représentation politique.
« Voudriez-vous donc une assemblée remplie d’individus corrompus ?» Certes, non. « Alors,pourquoi refuser d’empêcher les détenteurs de casiers judiciaires de se présenter ? »
Mais qui est concerné par une telle mesure ? Qui, en France, détient un casier judiciaire ? Globalement, pas les cols blancs. Les classes populaires sont les plus touchées. Les classes dominantes, de façon générale bien intégrées et suffisamment averties pour ne pas se faire prendre, ne sont pas inquiétées. En outre, nous savons que la meilleure façon de faire appliquer une procédure est d’élire ou mandater celles et ceux susceptibles de connaître les sujets, les rouages et d’avoir du cœur à l’ouvrage. Refuser la représentation politique aux anciens condamnés, dans ce régime ou un autre socialo-fédéraliste, reviendrait à les priver d’une bonne partie de leur capacité politique à améliorer leur propre sort. Il s’agit pourtant d’une population qui nous est cher.
Et n’oublions pas que ce sont les classes dominantes qui confectionnent les lois. Plus particulièrement depuis les dernières décennies. Loïc Wacquant, sociologue, expliqua, dans les années 1990, le phénomène. Le néolibéralisme, en précarisant et appauvrissant grandement les classes populaires, les rendait sujettes à vouloir sortir du cadre d’ascension sociale autorisée. Ce faisant, les classes dominantes avaient intérêt à dissuader la révolte en se rendant plus répressives. S’ensuivirent et s’ensuivent encore de nouveaux moyens et de nouveaux délits, divers et variés. Un simple crachat au sol, une rencontre entre amis en bas d’un immeuble sont désormais punissables.
Au-delà de la peine, une autre question se pose. Celle du pardon. « Dieu pardonne, pas le prolétariat », chantait la Brigada Florès Magon (très belle chanson, par ailleurs). Eh bien sans doute devrait-il pardonner. Toutes les religions enseignent le pardon. Il semble y avoir une fonction sociale allant de paire. Une société peut-elle perdurer, aller de l’avant, se reconstruire sans pardon ? Nul ne nie le besoin d’une victime de reconnaissance de ses maux. Mais, après, une fois la réparation ou la peine encourues, que faut-il faire ? De plus, les religions enseignent que tous les hommes sont des pécheurs. La psychanalyse, dans un sens similaire, explique que nous sommes tous traversés par des pulsions de destruction et d’asservissement, dont nous sommes plus ou moins maîtres. Qui peut se vanter de ne jamais faire d’écart dans sa ligne de conduite ? Les règles nous viennent de la vie en collectivité, en société. L’écart entre la règle et son application est fréquent. C’est pour cela que nous prenons le temps de la dicter et de la contrôler.
Les institutions de la société rénovée devront-elles mener une chasse aux sorcières perpétuelle contre celles et ceux qui collaborèrent ? Qui péchèrent ? Voulons-nous une société gouvernée par les plus rigoristes ? Car le devoir de morale en politique induit la rigueur.
Veillons, surtout et avant tout, que les élus et mandatés aient les qualités requises pour mener la mission qu’on leur donne, veillons à ceux qui n’ont pas les qualités d’être à un poste. Quelle idée de mandater une DRH au ministère du Travail… Une envie de nous jouer un sacré sale tour, sans doute ! La question n’est pas tant de savoir si ceux qui nous représentent ont ou non un casier judiciaire. Elle est de savoir où ils se positionnent dans les classes sociales.
Nathan
Groupe anarchiste Salvador-Segui