FROTTER, FROTTER, ILS ONT PAYÉ

22 mois de lutte. Ce fut long, mais les femmes de chambre de chambre de l’hôtel Ibis Batignoles ont tenu bon. Elles n’ont jamais rien lâché face au groupe Accor, le géant de l’hôtellerie. C’est la plus longue lutte jamais menée par la CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques), et le groupe Accor a fini par plier. Démarrée en juillet 2019 la grève des salarié-e-s a connu deux temps : d’abord huit mois de grève, puis crise sanitaire oblige, chômage partiel, ce qui ne les a nullement empêchées de poursuivre régulièrement les rassemblements devant leur lieu de travail et les différents autres établissements appartenant au groupe Accor, pour revendiquer leur internalisation dans leur lieu de travail , en finir donc avec la sous-traitance, et en même temps (comme dirait l’autre) exiger la révision de leurs conditions de travail avec les augmentations salariales qui en découlent.

Cette grève était dans la lignée d’une autre qui avait duré trois mois, une lutte victorieuse des employées de l’hôtel Park Hyatt Vendome (rue de la Paix à Paris) ; c’est à cette occasion que nous (militants du groupe FA – Salvador Seguí) avions rencontré ces femmes de chambre et leur syndicat CGT-HPE, que nous avions suivi et soutenu leur action. Et c’est tout naturellement que nous avons suivi, soutenu y compris financièrement (à la meure de nos faibles moyens), les grévistes de l’hôtel Ibis Batignoles. Et c’est dans le cadre de cette lutte que nous les avions reçues pour parler de leur combat dans notre librairie Publico. Dans le même temps Radio libertaire leur donnait aussi la parole dans l’émission « Femmes libres » animée par le groupe FA- Pierre Besnard.

Puis les mois ont passé, le conflit perdurait d’autant plus qu’en raison de la crise sanitaire (toujours elle) et de ses conséquences (fermeture des hôtels et restaurants), le groupe Accor annonçait un plan de restructuration (social qu’ils disent) prévoyant des centaines de suppressions d’emploi.

Les négociations qui étaient bloquées depuis des mois ont finalement débouché ce mois de mai sur un accord entre STN (Sous-traitance nettoyage) le groupe Accor et le syndicat CGT-HPE. Si la sous-traitance n’est toujours pas supprimée (pas encore, mais ce combat est toujours à l’ordre du jour), les revendications salariales et les conditions de travail constituent une réelle victoire des salarié-e-s :

– augmentation des salaires de 250 à 500 euros par mois

– prime de panier de 7,30 euros par jour

– obtention d’une pause de 30 mn

– baisse des cadences : 3 chambres par heure au lieu de 3 et demi

(pour les grandes chambres la cadence descend à 2 par heure)

– tenues de travail fournies et entretenues par l’employeur (STN)

– installation d’une pointeuse pour comptabiliser exactement les heures

travaillées et en finir avec les heures supplémentaires non payées

– mise en place de deux délégués de site (avec 15 heures de délégation)

– réintégration de deux CDD rompus illégalement pendant la grève

– annulation des mutations de dix salariées en restriction médicale

Une victoire historique donc pour ces femmes de chambre dans leur combat commencé en juillet 2019 et qui s’est achevé en mai 2020 avec la signature d’un protocole d’accord satisfaisant la quasi totalité de leurs revendications. Combat contre STN et le groupe Accor, mais pas seulement. Comme si ça ne suffisait pas, les grévistes et leur syndicat CGT-HPE ont eu maille à partir avec les réformistes syndicaux à l’intérieur même des structures de leur confédération (UD CGT Paris, URIF CGT, US Commerce), qui ne cessaient de leur seriner « Vous ne pourrez pas gagner » et qui ont employé les méthodes les plus tordues pour saboter cette lutte des grévistes, femmes, immigrées, de couleur, se battant contre l’exploitation, le harcèlement moral et sexuel. On le sait évidemment, la vie syndicale n’est pas un long fleuve tranquille, et les combats menés peuvent être parfois « freinés » (pour le dire gentiment) par certains cadres de structures hiérarchiques. Mais rien n’a arrêté ces femmes qui étaient « invisibles » et qui au long des mois sont apparues au grand jour au cours des nombreux rassemblements revendicatifs et souvent festifs, nous rappelant que la grève c’est sérieux mais pas triste.

En ces temps d’attaques contre le prolétariat à coups de « réformes » du gouvernement, d’arrogance du patronat, nul doute que cette victoire fera date. Elles chantaient à l’adresse de leur employeur : « Frotter, frotter, il faut payer !», elles ont conclu cette longue lutte victorieuse en chantant désormais : « Frotter, frotter, ça a payé !». Qu’elles soient remerciées pour leur courage, leur ténacité, et pour avoir redonné un sens à la lutte des classes. Bravo à elles.


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